Déclaration liminaire au Blanchet du 8 octobre 2025
Monsieur le Recteur,
Je tiens, au nom de bon nombre d’adhérents, à saluer Laurent Villerot et ses équipes pour deux raisons : une communication sur l’avancée des travaux de la DPE depuis le mois de juin, dans une logique de transparence souhaitée et souhaitable, mais aussi pour les nominations massives réalisées dès fin juillet. Bien sûr, il demeure des points de vigilance çà et là et tout le monde ne partage pas cet avis si l’on se cantonne à sa propre chapelle, mais la réalité est là ; il faut savoir reconnaître la qualité du travail accompli avec les moyens dont on dispose. La cellule recrutement se montre elle aussi un outil précieux pour élargir le vivier et l’appui de bon nombre d’inspecteurs contribue à fluidifier les réponses. C’est une avancée. Il reste la question épineuse de la DPA mais je n’ai nul doute que vous saurez là aussi faire évoluer une situation sinistrée depuis trop longtemps.
C’est sur le plan national que cela se complique, comme trop souvent. On aurait pu espérer que l’absence de Ministre en titre nous ménage une pause dans la frénésie injonctive. Que nenni ! Une circulaire de rentrée en juillet, une note de service fin août avec son lot de priorités qui, à force d’en être, n’en sont plus (projet d’évaluation en lycée à re-re-re-revoir, plan santé mentale sans aucune ressource spécialisée, la nomination d’un énième référent sans IMP, les EVARS etc.). A une époque où la contestation est reine, où notre Institution fait face à des hordes d’ayants-droit râleurs et procéduriers, Mme Borne enjoint les proviseurs à coller à un protocole d’évaluation du contrôle continu qui les expose à des recours de la part de tous ceux qui savent un peu lire. En avait-on besoin au vu des taux nord-coréens de réussite au Bac ?
Est-ce donc cela la QVCT dont nos ministres nous rebattent les oreilles pour nous endormir ? A quoi bon rédiger une Charte des pratiques de pilotage des EPLE baignée dans le formol des bonnes intentions pour aussitôt nous savonner la planche ? Car l’usager n’émet plus une objection argumentée ; il braille, il joue des muscles, il menace. Et comme le choupinet de l’usager (quel beau mot que ce terme utilitariste) entend son géniteur vitupérer vertement dans un babillage de borborygmes préhistoriques, il braille à son tour, et oublie le surmoi qui devrait l’empêcher. Un constat amer : une croissance exponentielle des conseils de discipline en ce joli mois de septembre et le jeu des chaises musicales reprend mais de plus en plus tôt ! Je ne parle même pas de l’appel au médiateur que l’usager considère comme un Torquemada qui va corriger le vilain chef d’établissement qui refuse de céder à ses caprices « adulescents ».
Nous vous soumettons 3 questions ce jour mais le point de crispation pour tous les personnels est la limite de l’Ecole inclusive que même notre Ministre a reconnue. Le pilotage pédagogique des établissements n’est plus possible avec le temps colossal consacré aux PIAL, aux AESH désabusées et mal formées, aux ESS et aux plans de compensation divers (PPS, PAP, PAI). Que se passe-t-il dans notre pays ? Le handicap est en passe de devenir la norme mais l’effectif pour traiter ce dossier n’est pas à la hauteur de l’ambition. La maltraitance concerne aussi les familles et les élèves qui sont leurrés. La vague submersive des aménagements et des exigences parentales terrasse les bonnes volontés et la réponse de la « pédagogie explicite » n’y suffira certainement pas.
Bref, vous l’aurez compris, du courage, il en faut désormais pour affronter des quotidiens bien remplis. Du temps, nous n’en avons plus pour vraiment piloter, faute de personnel acceptant des délégations de moins en moins rémunérées.
Le temps est venu de se recentrer sur les missions fondamentales de l’Ecole que nous perdons de plus en plus de vue : transmettre des connaissances, instruire, cultiver et arrêter de se substituer aux familles. Ce faisant, ces dernières abdiquent des pans entiers du domaine éducatif et le transfert de compétences entraine de ce fait des exigences de leur part. Voilà le résultat ! Moins j’en fais, plus j’exige !
Monsieur le Recteur, l’académie de Grenoble ne se porte plutôt pas trop mal comparée à d’autres contrées du territoire mais il ne faut pas baisser la garde. La saignée budgétaire va vous contraindre à prendre des décisions pas franchement populaires mais elles devront être expliquées pour être acceptées. Nous savons que chacun devra faire des efforts et nous l’acceptons ; c’est notre vision de la solidarité nationale. Mais gare à ne pas sacrifier la santé des personnels.
Aussi, notre mot d’ordre est et restera : « recentrons-nous sur les essentiels », priorisons mais pas comme les circulaires de rentrée.
Je vous remercie.