Propos liminaire / Blanchet 11/12/2024

                                                                                                          Grenoble, le 11/12/2024

Madame la Rectrice,

Période morose que nous vivons dans un pays qui peine à se stabiliser ; l’esprit du temps est à la contestation de tout avec plus ou moins d’agressivité, plus que moins d’ailleurs, quand on regarde, pantois, certains députés censés être nos dignes représentants du peuple et de la République. Comment éduquer nos jeunes dans le respect d’autrui, dans la nuance et l’art de l’écoute, de l’empathie, de la recherche du compromis quand l’extrémisme politique vire au pugilat régulier, justifiant l’antisémitisme, pardon, l’antisionisme, invitant à s’en prendre à des personnes de la mauvaise confession ? Comment enseigner la laïcité, la tolérance, l’ouverture d’esprit à nos jeunes dans ces circonstances ? L’Education nationale est désormais confrontée non pas à un défi mais à une utopie.

La violence gangrène notre société et les établissements n’y échappent pas. Les exemples à Grenoble nous le démontrent hélas. Ne penser les établissements qu’en termes de sécurisation est insuffisant. Il y a lieu d’y associer les collectivités pour diversifier l’offre de formations permettant une plus grande mixité des publics accueillis. De même, la taille de certains lycées-usines n’aide pas à une humanisation des rapports.

Alors le quotidien des personnels de direction en est forcément perturbé. Notre assise est ébranlée. Tout aussi ébranlée que la faible assise du « choc des savoirs » pour une question réglementaire qui ne nous aide pas à faire accepter l’inacceptable chez bon nombre d’enseignants.

Pour compliquer le tout, notre propre institution génère des difficultés complémentaires : que dire du refus opposé au cumul d’emplois faisant vaciller la formation en apprentissage dispensée dans les lycées ? Certes, le cumul ne doit pas conduire certains membres du personnel à enchainer les heures au mépris du droit du travail mais certaines formations sont à ce point spécifiques que l’oiseau rare enjoint à ne pas assurer d’heures en trop grand nombre s’envolera vers d’autres cieux, condamnant l’apprentissage public.

C’est d’ailleurs cet apprentissage public que je souhaitais évoquer avec vous. Il fut un temps (récent) ou les établissements pouvaient recruter du personnel au secrétariat en apprentissage. Ne serait-il pas intéressant de revenir à ce temps béni pour anticiper les départs à la retraite et enrayer la désaffection vers ces métiers ? Nous manquons de secrétaires généraux, de secrétaires de direction et de gestion mais aussi d’infirmières scolaires. Un lien avec les collègues ayant des étudiants en BTS ou en DCG voire en IFSI dans les formations adaptées à nos besoins ne serait pas stupide.

De même, l’incompréhension des problématiques vécues tant dans les établissements que dans vos services engendrent des crispations. Renforcer la connaissance mutuelle des contraintes respectives des services académiques et des EPLE avec pourquoi pas un temps passé dans les services pour les uns et dans les EPLE pour les autres permettrait de lever tant d’incompréhension et d’exaspération. Associer les personnels du rectorat (service des bourses par exemple) et des établissements à une journée de partage permettrait des contacts directs, une personnalisation du contact, une meilleure compréhension de ce que les uns et les autres vivent sans se comprendre tant les outils ne sont pas les mêmes.

De même, un comité de relecture des notes de service et autres circulaires par des représentants des intéressés avant diffusion serait un vrai atout.

Tout un programme !

Pour finir sur une note positive, je tiens à saluer la très grande réactivité de certains collègues IPR dans la recherche rapide de solutions de remplacement mais aussi de quelques collègues de la DPE qui n’ont rien sacrifié du relationnel direct, un précieux atout dans la fluidité des rapports.

Cette note gaillarde devrait nous instiller un dernier souffle homérique pour rédiger de notre plume Sergent Major le fameux protocole de santé mentale (voir mail de vendredi 06/12), dernière lubie d’une ministre qui, le 24/10, s’ignorait démissionnaire. Aurions-nous oublié que les cadres auraient bien besoin d’un suivi médical voire d’une cellule d’écoute pour pouvoir continuer à affronter cette masse normative que peut-être seul un Elon Musk à la française, en moins caricatural, saurait balayer d’un revers de main ?

                                                                                                                      Arnaud MAREY

                                                                                     Secrétaire académique ID Grenoble