Novembre 2017

Dans quel contexte exercerons-nous demain et que sera devenu notre métier ?

La fusion des régions engagée depuis plusieurs années maintenant met du temps à prendre forme. On a pu ainsi mesurer les différences d’organisations et de pratiques qui s’étaient installées entre ces collectivités territoriales. Le travail d’harmonisation entre celles-ci a pris et prend encore parfois beaucoup de temps.

Ceci nous permet d’affirmer que les treize nouvelles régions auront donc à terme des modalités de fonctionnement propres et différentes entre elles, dans le cadre de l’application d’une même loi de décentralisation, qui aura de fait des déclinaisons diverses, ce qui conduira pour ce qui nous concerne à une éducation qui ne sera définitivement plus nationale.

Il faudra certainement attendre dix à quinze ans pour constater que l’hyper décentralisation n’est pas la réponse à l’hyper centralisation, que l’organisation de notre pays aurait dû faire preuve d’une plus grande souplesse pour proposer une orientation plus fine et se sortir des positions jacobines où girondines qui ont montré les limites de leur logique. Pour cela il nous suffit d’observer le retour vers une éducation nationale, de l’Allemagne et de la Suède, face à l’organisation engagée il y a une vingtaine d’années basée uniquement sur les Länder pour l’une et les municipalités pour l’autre.

Dans le même temps la fusion des académies est amorcée (Caen et Rouen deviennent une seule et même académie, calquée ainsi sur la géographie de la nouvelle région Normandie) et va devoir se confronter aux mêmes problématiques auxquelles se sont confrontées les régions, fusion qui sera ensuite généralisée aux autres académies.

Il y a actuellement autant d’académies que de modalités de fonctionnement, le principe d’une seule académie par région va imposer une harmonisation, une rationalisation, des restructurations et donc une réorganisation complète.

Ce temps est long, chronophage, dévoreur d’énergie, générateur d’interrogations, d’incertitudes et d’inéluctables improvisations ou omissions, pour quelles économies en vue de quelles améliorations de notre système éducatif ?

Pendant ce temps nos EPLE doivent fonctionner, si tel n’était pas le cas, cela nous serait reproché. Les personnels de direction sont de braves grognards fidèles à la cause, qui font des heures sans compter et sans contrepartie, qui acceptent toutes les responsabilités que l’institution leur fait l’honneur de leur confier sans indemnisations ni compensations, qui se soumettent aux impératifs des collectivités territoriales et plient sous les injonctions de leur hiérarchie ; donc tout va bien. Il va nous falloir un véritable sens de l’adaptation pour surmonter cette révolution systémique et une réelle solidarité pour nous éviter de subir les conséquences d’un effet ciseau que cela pourrait provoquer pour certains d’entre nous.

La conjonction des modifications et des adaptations encore hésitantes des régions, le chantier de la fusion des académies et son lot d’incertitudes sur l’organisation qui sera adoptée à terme (répartition des responsabilités sur le territoire entre rectorat et DASEN ?) les choix politiques concernant le développement des Lycées polyvalents et cités scolaire (qui contribuent à la diminution du nombre de postes de personnels de direction, cf. bilan social) où le transfert des LP au région, la réforme du baccalauréat et sans la nommer la réforme du lycée, antichambre d’un système d’orientation vers le supérieur où l’on perçoit difficilement la pertinence de l’issue, ne peuvent qu’interpeller et interroger l’équilibre qui sera à terme établi entre les régions et les rectorats et donc sur la hiérarchie entre décentralisation et déconcentration au niveau du pilotage des EPLE.

Les personnels de direction doivent amortir en permanence les conséquences de ces réformes, de ces hésitations, de ces approximations, de ces erreurs, de ces improvisations y compris lorsqu’elles n’entrent pas totalement dans le cadre de notre métier voir nous exposent en l’absence de fondement juridique.

Les terminologies du protocole de 2001 semblent si lointaines et si dépassées par la conjoncture et la réalité du contexte qui s’imposent à nous. Ce texte qui se voulait l’avenir du corps des personnels de direction n’est en fait qu’un état des lieux ponctuel, qui n’intègre à aucun moment la nécessité de prévoir des évolutions futures dans un métier qui inéluctablement était conduit à se transformer. On retrouve la même logique d’illusion dans la mise en place du compte épargne temps que l’institution n’arrive pas à généraliser, ou l’incapacité à pouvoir déployer l’IF2R dans sa conception primitive. Toutes ces belles mesures ont pourtant été présentées comme des avancées majeures et de grandes victoires syndicales, le PPCR est venu compléter ce tableau de chasse, mais là encore IDFO a joué son rôle pour infléchir les positions du Ministère et sensibiliser les collègues au réalisme de ces mesures qui n’apportent pas les réponses espérées pour le plus grand nombre de notre corps.

Il est plus que temps de cesser de se bercer d’illusions, notre Ministre doit aujourd’hui traduire dans les faits ce que la confiance, qu’il a porté au firmament de nos relations, signifie pour lui.

La volonté politique de transférer aux EPLE une autonomie, qui reste à définir, ne peut être un leurre qui engagera encore une fois l’énergie des personnels de direction pour une cause qui n’aura pas d’aboutissement.

Que signifie autonomie des EPLE dans le contexte d’une hyper décentralisation qui attribue toutes les compétences aux collectivités territoriales que celles-ci comptent bien exercer et d’une déconcentration qui se traduit par une gouvernance de plus en plus verticale caractérisée par une somme d’injonctions permanentes quand le ministre lui-même appelle à une gouvernance plus horizontale .Quel sera le vainqueur entre les collectivités et les rectorats, car il n’y aura qu’un leader au bout du chemin. La formalisation des contrats d’objectifs tripartite annihilera le moindre espace d’autonomie des EPLE puisque ceux-ci entérineront officiellement que celui qui apporte les moyens décide, que celui qui nomme les ressources humaines obtempère et que la structure réalise la partition qu’on lui demande d’exécuter. D’ailleurs pour s’assurer du bon fonctionnement de ce nouveau système, ne pourrait on pas envisager que les chefs d’établissement ne soient plus les présidents des conseils d’administration ? certains y pensent !

Le métier de personnel de direction deviendra alors celui de personnel d’administration des EPLE !!

Ce nouveau statut contribuera certainement à faciliter la mise en œuvre, par les collectivités territoriales qui le souhaitent de l’arrêt des obligations qui leur incombent sur les NAS en adoptant des décisions telles que celles du Président du Conseil Départemental des Côtes d’Armor ou de la vice rectrice de Mayotte qui consistent à faire payer aux personnels logés, le logement pour l’un et les consommables pour l’autre.

IDFO est engagé dans une démarche qui consiste à défendre la préservation du métier de personnel de direction, en obtenant la reconnaissance par nos politiques d’un statut qui nous attribue une place réelle dans l’organigramme d’une éducation qui reste nationale. Ceci passe nécessairement par une rémunération et une gestion des personnels qui soient une réponse à nos missions, nos responsabilités et nos conditions de travail.

La survie du métier de personnel de direction est engagée, ce n’est certainement pas par une attitude de compromis et par une cogestion que nous réussirons à continuer d’exister ,mais bien en adaptant notre profession aux besoins d’une éducation nationale qui veut faire « réussir » tous ses enfants et dont le système éducatif ferait bien de s’assurer de l’attractivité avant de constater, trop tard, qu’à l’identique des enseignants depuis plusieurs années, le vivier ne garantit plus ni la qualité ni la quantité de ses besoins.

Et pourtant le dernier rapport de la cour des comptes met en évidence que les personnels de direction sont « un échelon majeur » du système éducatif !!!

A quand enfin une réponse de notre ministère ?

Philippe DONATIEN
Secrétaire Général