L’action syndicale, plus que jamais nécessaire !

Le syndicalisme, comme l’ensemble de la société, connaît de profondes et rapides
transformations
. L’adaptation doit être permanente. Quel bilan d’étape peut on tirer de l’action syndicale d’Indépendance et Direction ces dernières années ?

Tout d’abord, nous ne pouvons que constater que les personnels de direction, comme la plupart des autres professions, et comme la société en général, sont confrontés depuis deux à trois ans à des changements majeurs dans leur quotidien. Les syndicats eux-mêmes sont impactés par des bouleversements importants dans leur action. Le parlement a voté, il y a presque deux ans maintenant, un ensemble de dispositions qui bouleversent le fonctionnement installé depuis toujours en modifiant les prérogatives des CAP en matière d’avancement et de mobilité. Il faut rappeler qu’i.D. avait vu le danger et que nous avions été, juste après le congrès de la Rochelle, à l’initiative de l’action intersyndicale des trois organisations représentatives des personnes de direction qui nous avait permis d’obtenir audience auprès de différents acteurs ministériels majeurs et de membres de la représentation nationale. A l’époque, et nos interlocuteurs ministériels étaient sincères, des modalités dérogatoires devaient nous être appliquées en la matière. Mais le ministère de la fonction publique a décidé qu’aucune dérogation ne serait accordée, et les syndicats de personnels de direction ont été en partie écartés d’un certain nombre d’opération de mutations et de promotions.

Le système éducatif lui-même subit de profondes transformations depuis trois ans sous l’impulsion du ministre de l’Education nationale.

A cela s’ajoute un contexte national agité qui a débuté avec la crise des gilets jaunes qui certes, n’a pas directement touché l’Education nationale mais a entraîné un changement de mentalité chez un certain nombre de nos concitoyens, l’esprit « gilet jaunes » se traduisant par un rejet des syndicats au motif qu’ils ne servent à rien et que seule l’action directe et la manifestation répétée dans la rue feraient plier le gouvernement. Nombre d’entre nous ont été touchés dans leur vie professionnelle par les effets du climat quasi insurrectionnel que nous avons connu pendant une année et qui laisse des traces dans les esprits aujourd’hui.

Dans ce contexte, quelle a été l’action du Bureau national pendant ces deux années ? Tout d’abord, nous avons âprement porté les mandants du congrès de la Rochelle dans toutes les négociations auxquelles nous avons participé. Cela ne signifie pas que nous avons obtenu satisfaction sur tout, mais qu’en aurait-il été si nous n’avions pas été là ?

Prenons l’exemple des promotions et des rémunérations des personnels de direction : c’est i.D. le premier qui a revendiqué dès 2019 une amélioration significative du taux de promotion à la HC, fidèle en cela avec sa ligne historique qui l’avait conduit à demander l’abstention au moment du vote PPCR justement en raison de l’effet d’entonnoir que cela allait créer sur l’accès à la HC. A chaque réunion avec le ministre nous avons porté la même revendication. Le taux a été relevé cette année puis le sera à nouveau l’année prochaine. Nous demandions beaucoup plus et nous avons été le seul syndicat à communiquer dans ce sens. Pour autant toute augmentation est bonne à prendre et il faut reconnaître qu’elle est réelle pour les personnels de direction dans cette affaire. C’est en fait le retard pris qui ne la rend pas significative : en effet, si nos partions d’un taux de base beaucoup plus élevé de promotions en HC (rappelons à titre d’illustration que le taux de promotions des enseignants en Hors classe est actuellement plus de deux fois plus élevé que celui des personnels de direction) nous aurions pu annoncer qu’une augmentation de 2.5 points en deux ans était très significative.

Prenons aussi l’exemple des négociations salariales : certes, nous souhaitions beaucoup plus et nous avons porté le mandat du Conseil National de l’an dernier sur une augmentation de rémunération bien plus significative et en rapport avec l’accroissement de la charge de travail et de nos responsabilités. Ce que le ministère a donné aux personnels de direction ne nous satisfait pas et nous aurions voulu beaucoup plus, notamment pour les personnels de direction adjoint. Mais c’est bien l’action syndicale qui a permis une rallonge de près de 2 Millions d’euros attribués aux adjoints par rapport à l’enveloppe initiale. C’est pourquoi au CTM, nous avons demandé à notre fédération de voter pour cette augmentation : pouvions-nous la refuser ? Comment cela aurait il été compris et perçu par les collègues ?

Prenons également l’exemple du dossier de l’évaluation des personnels de direction. Le projet d’alignement de régime avec celui de l’ensemble de la fonction publique n’appelle pas de remarque de notre part et une évaluation annuelle qui se substitue à une évaluation triennale correspond à nos mandats. Mais cela s’accompagne pour le ministère d’un transfert qui prévoit que le chef d’établissement va évaluer le(s) personnel(s) de direction adjoints de l’établissement qu’il dirige. Notre position est affichée depuis longtemps sur ce sujet et nous l’avons exprimée en CTM par l’intermédiaire de notre fédération : nous sommes opposés à l’évaluation de l’adjoint par le chef d’établissement. La Fnec FP FO avec laquelle nous travaillons en pleine collaboration a de ce fait voté contre au CTM. Le ministère a bien noté cette opposition et les discussions sur le projet initial sont toujours en cours.

Enfin nous avons été les premiers à exiger une réflexion du ministère sur les conditions de travail des personnels de direction et une refonte du protocole de 2001, cela dès fin août 2019 lors d’une réunion avec le Ministre. C’est un dossier qui s’ouvre enfin aujourd’hui et les groupes de travail vont bientôt se mettre en place. Il conviendra d’être vigilant, à la fois pour que les dispositions envisagées nous permettent d’alléger notre charge de travail, mais aussi qu’elles ne risquent pas de nous placer en position délicate vis-à-vis des personnels dont nous avons la responsabilité. Pour être plus clair si l’on veut majorer nos fonctions managériales, cela ne doit pas avoir pour conséquence d’augmenter notre souffrance au travail en nous plaçant dans des positions délicates vis-à-vis de la salle des professeurs au motif que nous aurions des objectifs à atteindre à tout prix.

Un certain nombre de ceux qui nous font confiance souhaiteraient des actions spectaculaires de protestation de notre part. Ce désir est tout à fait compréhensible lorsqu’on regarde les conditions de travail que nous connaissons depuis quelques années et qui justifient pleinement d’ailleurs l’ouverture des négociations sur ce thème. Mais dans toute action, il faut prévoir « le coup d’après ». Quel serait le résultat réel d’une manifestation ostensible de mauvaise humeur et de « ras le bol » ? Bien sûr cela aurait un effet libératoire à très court terme sur une profession excédée. Il faut aussi se demander si cette démonstration libératoire aurait permis des avancées plus significatives ? Quelle serait notre marge de manœuvre et notre capacité à nous présenter comme interlocuteurs crédibles auprès du ministère serait-elle augmentée ?

Force est de constater qu’aujourd’hui des dossiers ont avancé et avancent encore et c’est le travail de fond mené depuis de nombreuses années qui fait que nous sommes aujourd’hui écoutés, et que nous pouvons faire avancer les dossiers que nous portons. C’est donc une ligne de crête très étroite que nous devons suivre entre l’écoute permanente de nos adhérents et sympathisants, mais aussi la nécessité d’apparaître comme des interlocuteurs sérieux qui sont capables de diagnostiquer et d’analyser une difficulté pour traiter un sujet avec le ministère et y apporter des solutions.

Pour les deux ans qui viennent, il nous faudra donc suivre une ligne de crête entre la négociation au ministère et la situation sur le terrain et surtout rester vigilants sur le dossier des conditions de travail. Nous nous en tiendrons, là encore, aux mandats du congrès de la Rochelle et continuerons d’apporter notre regard critique et bien souvent dissonant. Il faudra suivre de près également un dossier pour l’instant resté en suspens qui est celui de la réforme des retraites. Les calculs qui avaient été effectués par la Fnec FP FO sur la perte de revenus des pensions étaient très inquiétants.

Nous auront aussi un travail de terrain à poursuivre pour convaincre les collègues d’adhérer et balayer l’idée chez certains qu’un syndicat ne sert à rien. Car c’est une position dangereuse par les temps qui courent que de n’être défendu par aucun syndicat lorsqu’on est en difficulté avec la hiérarchie, ou même d’être seul face à certaines pressions. Et malheureusement c’est un cas qui n’est pas rare de nos jours. L’action syndicale a donc plus que jamais un caractère essentiel pour la défense individuelle et collective.

L’action syndicale collective d’Indé­pendance et Direction a donc porté ses fruits et les portera encore dans les prochaines années.

Terminons cet édito en saluant les collègues de l’académie de Corse qui viennent de créer une section académique et rejoignent nos rangs : benvenuti à tutti !

Franck ANTRACCOLI,
Secrétaire Général