Une année singulière

Cette année scolaire 2020-2021 aura été exceptionnelle dans tous les sens du terme. Après une reprise sous surveillance en septembre, la situation s’est rapidement dégradée en octobre. La première phase de confinement qui a été mise en place après les vacances d’automne a été l’occasion de voir se développer un certain nombre de situations qui posent question : en effet, le protocole sanitaire s’étant très sensiblement renforcé, notamment dans les restaurations scolaires en imposant une distanciation entre convives, un certain nombre de personnels de direction se sont retrouvés en situation difficile, l’accueil de l’intégralité des élèves n’étant plus possible dans beaucoup d’établissements. Le ministère avait anticipé cette difficulté en permettant aux lycées qui le souhaitaient de fonctionner en jauge réduite jusqu’à 50%. Cette disposition, qui, au départ, a pu être interprétée comme une souplesse laissée au terrain, s’est vite révélée être un piège. En effet, bon nombre d’établissements privés, notamment, ne se sont pas saisis de cette possibilité et ont continué de fonctionner avec une jauge de 100%.

Faut il croire que ces établissements disposaient tous de locaux suffisamment vastes pour respecter scrupuleusement le protocole renforcé pendant tous les moments de la journée ? Toujours est il que la différence de fonctionnement s’est ici révélée source d’inégalité scolaire, et qu’un certain nombre de parents du public se sont emparés de cette question pour établir des comparaisons entre lycées, les plus vertueux étant ceux qui assuraient un enseignement à 100% en présentiel, pendant que la sécurité sanitaire devenait une préoccupation de second rang.

Ainsi les lycées qui, faute de locaux permettant de conserver un présentiel à 100%, et qui étaient soucieux de respecter le protocole, se sont vus désigner par un certain nombre de parents comme les mauvais élèves de l’Education nationale : un comble ! D’autant que dans certains établissements, les lycéens se mettaient aussi de la partie en organisant des blocages là où ils estimaient ne pas être en sécurité sur la plan sanitaire et pour faire pression sur la direction pour passer en demi-jauge. De leur côté des enseignants, inquiets également pour leur santé, demandaient aux personnels de direction d’adopter toutes les mesures propres à leur permettre d’assurer les cours sans prendre un risque inconsidéré.

Voilà comment les équipes de direction se sont trouvées prises en étau entre les différents acteurs de la communauté scolaire, souvent guidés par des motivations bien différentes. A l’intérieur d’un même territoire, un système de comparaison et de concurrence s’est rapidement développé entre les établissements qui fonctionnaient en jauge pleine et les autres. Certains lycées peu scrupuleux ont d’ailleurs surfé sur cette vague en indiquant en fin d’année sur l’application Parcoursup que l’établissement n’était jamais passé en demi-jauge, laissant par là sous entendre que leurs élèves étaient mieux préparés que les autres et que la notation qui était délivrée était plus objective.

Le ministère est resté bien muet sur cette concurrence regrettable entre public et privé notamment. En revanche, malgré la crise du covid, il n’avait pas modifié son calendrier et les échéances qui, à ses yeux, étaient prioritaires. Pix, ev@lang en étaient les exemples emblématiques. Sur Pix, dès la réunion d’août 2020 avec le ministre, Indépendance et Direction avait demandé un moratoire, car nous avions anticipé les difficultés dans lesquelles nous risquions d’être plongés dans cette année scolaire, et l’actualité nous a hélas donné plus que raison. Dans un premier temps le ministre nous a donné partiellement satisfaction en lycée tout en maintenant le dispositif en collège et en y rajoutant ev@lang. Indépendance et Direction a donc été conduit à donner un mot d’ordre de ne mettre en place ces deux dispositifs que si les conditions locales étaient réunies pour le faire, tout en continuant son travail auprès du ministère pour qu’ils soient définitivement abandonnés pour cette année scolaire. Grâce à cette action syndicale nous avons obtenu satisfaction au printemps.

Au milieu des signalements covid, des évictions, des courriers aux parents, aux enseignants, des modifications multiples d’emploi du temps tout au long de l’année, un dernier avatar attendait les établissements, une nouvelle fois en lycée au travers des autotests des élèves. Outre les difficultés de livraison qui ne constituent pas une surprise dans ce type d’opération, Indépendance et Direction a exprimé dès l’annonce par le cabinet de cette éventualité, son opposition à leur organisation systématique en établissement. En effet, outre la nécessité en cette fin d’année perturbée que les élèves soient en cours prioritairement, un grand nombre de lycée ne disposent pas des conditions nécessaires (locaux, personnels mobilisables) pour mettre en place cette opération. En outre, considérant
qu’il s’agit d’élèves et de parents volontaires, il est naturel que ces tests soient effectués à domicile, avec l’appui des parents. L’obstination des autorités a conduit à un rapprochement intersyndical pour s’opposer à cette mise en place systématique, et des consignes claires ont été données par les organisations représentatives des personnels de direction. Les médias se sont largement fait l’écho de cette position. Pendant ce temps, les formulaires de consentement revenaient au compte goutte dans la plupart des cas. Beaucoup d’argent a été investi dans cette opération, mais le résultat ne semble pas être au rendez vous.

Outre sur ces différents dossiers, Indépendance et Direction a eu d’autres occasions de marquer ses positions pendant cette année scolaire si particulière. Ainsi le dossier de la refonte de l’évaluation des personnels de direction, toujours en cours à l’heure actuelle, reste un point d’achoppement au sujet de l’évaluation des adjoints par les chefs d’établissement. Cette dernière disposition qui fait l’objet d’un mandat du Congrès de la Rochelle nous a conduit a demander au ministère de revoir sa copie en la matière. Au comité technique ministériel, Indépendance et Direction a d’autre part sollicité la fédération à laquelle nous appartenons, la Fnec-FP-FO pour voter contre le projet de texte.

Il ne s’agit pas d’une position dogmatique, mais de l’anticipation des conséquences de cette disposition dans les relations entre membres de l’équipe de direction. Par ailleurs, où est la logique de considérer que le chef d’établissement est le N+1 de l’adjoint lorsque les opérations de gestion de carrière (promotion, mutation) sont intégralement dans les mains des Recteurs et des Dasen ? Faudrait-il en conclure que ces derniers sont les véritables N+1 de tous les perdirs ? C’est la position logique qu’Indépendance et Direction défend depuis de nombreuses années et qu’il continue à avancer avec constance.

La balle est maintenant dans le camp du ministère et nous nous réservons la possibilité de donner consigne aux collègues d’utiliser tous les moyens disponibles pour s’opposer à l’évaluation des adjoints par les chefs d’établissement.

On pourrait disserter encore longuement sur cette année à tous les titres encore plus complexe que la précédente : adaptation des examens à la situation sanitaire, protocoles à répétition, pression locales ici et
là pour mettre en place les dispositifs imaginés quoi qu’il en soit par le ministère qui ne connaît pas la même crise que les établissements. Je laisse en tirer la conclusion par le lecteur de cet édito : que serait-il advenu des conditions de travail des Perdir en l’absence de représentation syndicale d’Indépendance et Direction ? Il n’est pas besoin de réfléchir longtemps pour trouver la réponse et comprendre la nécessité de se syndiquer chez nous !

Franck ANTRACCOLI,
Secrétaire Général