Vaccinons-nous contre les RPS !

Cette année 2021-2022 qui débute a déjà remis les personnels de direction dans un bain bouillonnant dans lequel nous devons prendre garde de ne pas nous brûler. Il est bien loin le temps où nous pouvions considérer qu’après le coup de feu des quinze premiers jours de rentrée, nous pouvions nous poser pour réfléchir aux projets de l’année scolaire, dialoguer avec les professeurs pour accompagner leur rentrée, prévoir le calendrier des échéances pédagogiques de l’année, bref, endosser notre casquette de premier pédagogue qui est la raison pour laquelle nous avons embrassé cette profession.

Depuis quelques années maintenant nous nous transformons plutôt en premiers secouristes : en effet sous la pression du coup de feu permanent, nous devons courir d’urgence en urgence, de priorités en priorités le plus souvent éloignées de notre cœur de métier, ou, à tout le moins, tellement multiples et diverses que beaucoup de collègues finissent par se demander quel est le sens de notre métier aujourd’hui.

Cette rentrée a tenu ses promesses puisqu’elle est toujours marquée par le contexte sanitaire difficile que nous traversons depuis deux ans, avec un pilotage à vue induit par le caractère inédit de cette crise. S’y ajoutent les réformes ou évolutions permanentes de notre système qui n’ont pas été suspendues pour autant (à quelques exceptions près grâce à l’action syndicale sur Pix et ev@lang l’an passé). D’ailleurs, à la place du mot « évolution », on pourrait même parler de révolution permanente imposée à notre système éducatif depuis quelques années. Etait-il donc si mauvais que cela ?

Notre ministère n’est pas l’unique responsable de cette situation : l’évolution très rapide de la société, les crises de toutes sortes qu’elle traverse, la circulation instantanée et incontrôlée de l’information, les difficultés économiques, les mouvements sociaux parfois violents, ont forcément un impact sur l’Ecole qui est partie intégrante de la Cité.

La liste de ces soubresauts serait trop longue et fastidieuse pour présenter un quelconque intérêt. Mais ce que l’on peut remarquer, c’est que l’Ecole n’est pas seulement impactée par cette effervescence, elle en est au cœur. Le simple exemple de la gestion de la crise sanitaire, pour ne parler que d’elle une fois encore, a montré comment une situation qui est au départ périphérique des missions d’un collège ou d’un lycée, se retrouve placée au centre de toute activité dans les établissements. Entre les déclarations de cas positifs, les scénarios possibles à élaborer en fonction de la circulation du virus, le contact tracing, l’organisation des autotests, de la vaccination, les réorganisations multiples d’emploi du temps, les séances d’information ou de sensibilisation, les demi-jauges et le mécontentement des parents qui comparent les lycées entre eux, voilà comment l’Ecole s’est, une fois de plus, retrouvée dans l’œil du cyclone. Bien sûr, il aurait été impensable que les établissements s’exonèrent de la responsabilité de lutter contre cette pandémie si redoutable. Mais la particularité que l’on peut observer, c’est que ce qui s’est passé pour la crise de la covid n’a cessé de se répéter sur bien d’autres sujets depuis trop longtemps. L’Ecole est devenu un objet public, tout le monde a son mot à dire pour l’améliorer, la réformer, sur ce qu’est ou devrait être son rôle et dans quels domaines elle doit intervenir. Tout le monde, sauf peut-être les professionnels qui travaillent dans les établissements scolaires, d’ailleurs, qui ont l’impression de plus en plus marquée qu’on leur demande d’exécuter ce que d’autres ont décidé à leur place.

C’est là aussi que le ministère joue un rôle important, car il est dans le rythme de cette course effrénée à la volonté de s’adapter en temps réel à toutes les situations nouvelles qui peuvent se présenter. C’est la raison pour laquelle les missions des EPLE connaissent une période d’hyper inflation, et se sont autant complexifiées depuis plusieurs années. Car au-delà des grandes réformes, celle du collège et celle du lycée (en plusieurs essais pour cette dernière), s’ajoute la mise en place de dispositions ou dispositifs nouveaux de façon incessante, les uns en réaction à l’actualité fluctuante, les autres à une volonté de moderniser le système éducatif au plus vite afin de l’harmoniser avec le rythme des évolutions et besoins sociétaux.

La place des personnels de direction est bien inconfortable dans ce maelstrom. Ils disent trivialement qu’ils sont souvent « entre le marteau et l’enclume », ce qui signifie en clair entre les concepteurs-décideurs, et les usagers. Ils sont donc les agents chargés de la mise en œuvre, et on attend, de part et d’autre, qu’ils agissent avec rapidité et efficacité pour suivre la ligne tracée et atteindre les objectifs que l’on a fixé pour eux. Lorsqu’ils ne cheminent pas assez vite, leur hiérarchie et/ou les usagers, ne tardent pas à les rappeler à l’ordre afin de presser le pas et de donner satisfaction. La difficulté c’est que le système éducatif ne peut pas être piloté comme un hors bord qui slalome avec des virages courts, mais plutôt comme un transatlantique affublé d’une certaine inertie qui nécessite un temps de réponse avant qu’une commande ne se traduise en termes d’effets.

Comme cette configuration se répète durant plusieurs années et que les personnels de direction ne voient pas la sortie du tunnel, on en arrive aujourd’hui à ce malaise qui touche la profession et qui explique les arrêts maladie, les démissions et départs de toutes sortes, et l’augmentation des RPS.

Voilà pourquoi Indépendance et Direction a demandé et obtenu du Ministre qu’un groupe de travail spécifique soit organisé pour élaborer un constat actualisé des missions de l’EPLE et de leur étendue, et de l’impact de cette situation sur les personnels de direction. Le diagnostic était donc partagé par notre institution, et Indépendance et Direction, constant dans ses revendications qui ont été énoncées au Congrès de la Rochelle en 2018, savait parfaitement quels étaient les élé ments qu’il souhaitait voir apparaitre dans un document formalisé, au bénéfice de la clarification et de la hiérarchisation des missions des EPLE, et de l’amélioration des conditions de travail des personnels de direction. Il ne serait pas pertinent de les lister ici, nos secrétaires académiques sur le terrain pourront à loisir les décliner aux collègues et montrer l’apport essentiel d’Indépendance et Direction sur bien des points de la rédaction.

Il faut dire qu’un dialogue riche et ouvert s’est engagé avec les services du ministère sur le sujet, et que les éléments qu’Indépendance et Direction voulait voir apparaître dans ce qui s’appelle maintenant la charte des pratiques de pilotage, ont été tous intégrés. Accompagnement des personnels de direction par les académies, priorisation des tâches et des missions, qualité de vie au travail, droit à la déconnexion, phases de testing préalable des nouvelles applications informatiques avant tout déploiement, ne sont que quelques exemples des éléments fondamentaux qu’Indépendance et Direction voulait voir figurer dans ce document.

Le franchissement de ce cap est essentiel, afin de passer d’une gouvernance trop long temps marquée par les turbulences, à une période de fonctionnement plus serein propice à la qualité de vie au travail. Nous disposons maintenant en effet d’un élément de référence pour, en académie comme au niveau national, exercer toute la vigilance requise au respect de ce texte.

Cette charte doit donc devenir notre vaccin contre les RPS et nous permettra d’éviter l’orage cytokinique qui guette certains de nos collègues !

Faisons-la respecter et appliquer sur le terrain en conséquence : rejoignez-nous car Indépendance et Direction sera présent pour cette action essentielle !

Franck ANTRACCOLI,
Secrétaire Général

iDées mag n°80