Article Midi Libre

Le gouvernement avait annoncé le déploiement des autotests dans les lycées, pour les élèves, comme pour les professeurs mais la campagne cale au démarrage en raison de nombreux problèmes logistiques.

Jean Castex et Jean-Michel Blanquer l’avaient annoncé il y a quelques semaines: les autotests allaient venir compléter l’arsenal de lutte contre la Covid-19 dans les lycées et permettre aux élèves, comme aux professeurs, de se dépister eux-mêmes. Jean Castex avait même expliqué en avoir commandé 64 millions pour les écoles, collèges et lycées.

Seulement voilà, l’idée a fait son chemin et avait même été accueillie avec un certain soulagement par le corps enseignant mais les moyens ne sont pas toujours au rendez-vous depuis hier, date à laquelle, les lycéens doivent se plier à une séance hebdomadaire de dépistage dans leur établissement. En effet, de nombreuses voix s’élèvent pour expliquer que ces dépistages prennent du temps, parfois même, les autotests ne sont toujours pas là en nombre suffisants et tous les personnels n’ont pas reçu leurs autotests, selon les syndicats.

Des livraisons au compte-goutte et des locaux peu adaptés

Le gouvernement avait, dans une lettre, prévenu que “les premières livraisons s’échelonneront entre le jeudi 6 mai et le mardi 11 mai”. Ces tests ne doivent pas être faits au domicile des élèves mais bel et bien dans l’établissement et sous la supervision d’un adulte. Le tout, avec un accord parental préalable. Problème: les livraisons “se déroulent de manière erratique selon des calendriers incertains” et se font “au fil de l’eau” de façon “inégale sur le territoire”, déplore le syndicat SNPDEN-UNSA dans un communiqué.

Autre souci logistique: les autotests doivent être réalisés dans une salle dédiée, choisie en fonction de sa capacité (distance d’au moins 2 m entre les élèves), ses facilités d’aération et ses modalités d’accès (sens de circulation, gestion des flux…), selon le ministère. “À ce stade, nous ne savons pas comment on va pouvoir faire passer tous les lycéens une fois par semaine (…) cela nécessiterait des sessions du lundi 05H00 au vendredi minuit sans interruption, c’est irréalisable”, déplore Philippe Vincent, secrétaire général du principal syndicat des chefs d’établissement (SNPDEN).

“Tous les lycées ne disposeront pas de locaux dédiés en nombre suffisant et des surfaces requises pour réduire au maximum la durée hebdomadaire de ces autotests”, prévient-il. Et de préciser qu’au “mois de juin, il y aura en plus des épreuves de bac qui occuperont des salles supplémentaires”. 

Un conditionnement peu adapté?

“Dans un premier temps et jusqu’à la fin du mois de mai, les autotests à destination des lycéens seront livrés conditionnés par boîte de 25 autotests”, indiquait le ministère de l’Education Nationale. Dans son communiqué, le syndicat explique avoir reçu ces tests par “blocs de 6 ou 10” et que ceux-ci sont inadaptés, tant que le plan de la gestion et de la manipulation que sur le plan de la confidentialité. Parfois même, la notice n’est même pas en Français, comme le soulignent certains professionnels, sur Twitter.

Un manque de personnels pour superviser ces tests?

Si les élèves passent ces dépistages dans les établissements, les bras manquent pour superviser les opérations. L’élève va pratiquer lui-même son autotest, sous la surveillance d’un professionnel de santé (médecin, infirmière scolaire, pompier…) ou de personnels de l’Education nationale. Selon un courrier du ministère envoyé jeudi dernier aux chefs d’établissements “outre les personnels de santé et les encadrants formés, dont pourront faire partie des personnels volontaires des établissements, des médiateurs ‘lutte anti-Covid’ supplémentaires sont en cours de recrutement par les services académiques pour renforcer les équipes”. En tout, ce sont 1.700 médiateurs ont d’ores et déjà été recrutés et près de 3000 autres devraient suivreMais ils semblent tarder à arriver.

Dans un communiqué de presse commun (ID-FO, Sgen-CFDT et SNPDEN), les chefs d’établissement expliquent que “face au manque de personnels pour faire passer ces autotests et les livraisons au fil de l’eau, la mise en place de ce dépistage est impossible au lycée”. Et de recommander “très fortement” à leurs collègues de “ne prendre aucun risque avec ces opérations en ne les réalisant que si toutes, et uniquement toutes, les conditions sont remplies au regard des préconisations sanitaires”. 

“Nous approuvons, sur le principe, tout dispositif qui permet de mieux lutter contre la propagation de l’épidémie de coronavirus, en particulier en milieu scolaire, mais l’organisation des autotests en lycée est une opération bien trop chronophage”, explique Franck Antraccoli, secrétaire général ID-FO.

Vers un assouplissement des conditions de dépistage?

Si pour l’heure, les élèves doivent s’autotester dans les écoles, les choses pourraient néanmoins évoluer dans les semaines à venir. Les syndicats demandent que ces autotests soient faits, au domicile des élèves. Jean-Michel Blanquer a entrouvert la porte à une utilisation à domicile, jeudi 6 mai, devant la commission de l’éducation de l’Assemblée nationale. “Nous sommes plutôt sur le modèle anglais : on commencerait au lycée puis, si c’est possible, après avoir regardé comment cela se passe, on donnerait l’autotest au lycéen pour le faire chez lui”, a-t-il dit.