Article La Croix “Les chefs d’établissement doivent-ils connaître le statut viral et vaccinal des élèves ?”
Adopté jeudi 21 octobre par l’Assemblée nationale, le texte prolongeant le passe sanitaire comporte un amendement du gouvernement permettant aux directeurs d’école et chefs d’établissement d’accéder aux données de vaccination et de contamination des élèves.Un amendement « honteux » aux yeux de la FCPE.Denis Peiron
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L’amendement en a surpris plus d’un. Alors que l’Assemblée nationale examinait en première lecture le projet de loi « portant sur diverses mesures de vigilance sanitaire » , texte adopté (avec 135 voix pour et 125 contre) le 21 octobre, le gouvernement a obtenu une modification supposée renforcer la lutte contre la pandémie dans les établissements scolaires.
Si cette disposition obtient l’aval du Sénat, les directeurs d’école et chefs d’établissement pourront, jusqu’à la fin de l’année scolaire au plus tard, accéder à des données personnelles concernant le Covid-19. « Les directeurs des établissements d’enseignement scolaire des premier et second degrés et les personnes qu’ils habilitent spécialement à cet effet peuvent avoir accès aux informations relatives au statut virologique des élèves, à l’existence de contacts avec des personnes contaminées et à leur statut vaccinal » , prévoit le texte.
Objectif ? « Faciliter l’organisation de campagnes de dépistage et de vaccination » et « organiser des conditions d’enseignement permettant de prévenir les risques de propagation ». « Cette mesure à ce stade ne nous paraît pas pertinente » , déclare Bruno Bobkiewicz, le secrétaire général du SNPDEN, syndicat représentant des personnels de direction. Car la situation sanitaire s’est améliorée. « Et les dispositions en vigueur sont suffisantes. »
Aujourd’hui, si un cas positif survient dans une classe, les parents des autres élèves doivent attester sur l’honneur que leur enfant est vacciné pour qu’il continue à se rendre en cours. À défaut, il est prié de s’isoler pendant dix jours. Le passe sanitaire n’est obligatoire que lors d’une sortie où les élèves sont mêlés à un public extérieur, par exemple dans un musée.
« Cet amendement nous fait entrer sur un chemin qui nous éloigne de notre mission éducative », désapprouve Franck Antraccoli, secrétaire général d’un autre syndicat de personnels de direction, Indépendance et direction (ID-FO). Le son de cloche est cependant différent en primaire, où les élèves sont trop jeunes pour se faire vacciner.
« La déclaration sur l’honneur a ses limites » , estime Guislaine David, secrétaire générale du SNUipp, syndicat qui porte la voix des professeurs des écoles. « On sait parfois qu’il y a des contaminations dans la famille mais on ne peut refuser l’accès à l’élève… » Et s’agissant des tests salivaires effectués dans l’école, « les autorités de santé indiquent simplement à la direction qu’il y a tant de cas positifs, sans préciser les noms… »
Cette évolution législative, qui fait primer la protection du collectif sur le secret médical, lui paraît d’autant plus indispensable que dix départements expérimentent un nouveau protocole : si survient un cas positif, pas de fermeture de classe, mais un dépistage pour tous les élèves. « On doit pouvoir déterminer qui vient en classe, qui doit rester à la maison » , argumente Guislaine David.
De quoi provoquer le courroux de Rodrigo Arenas, président de la FCPE, qui parle d’ « un amendement honteux » . « Au lieu d’avoir le courage d’imposer, comme le souhaiterait l’exécutif, un passe sanitaire à l’école, on laisse entendre que les parents sont des fous furieux qui envoient massivement leurs enfants positifs en classe » , s’emporte-t-il.