Discours de la nouvelle Secrétaire Générale, Agnès Andersen au 10ème Congrès iD-FO de Rouen


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Je voudrais débuter cette prise de parole par quelques remerciements :
A toi mon cher Franck, à Florian, Valérie, Patrick pour ces quatre années
intenses et passionnantes que nous avons passées sous ta houlette au sein du secrétariat général.

Je voudrais ensuite m’adresser à vous, nos camarades les plus anciens, fondateurs d’Indépendance & Direction pour certains, retraités, à présent, mais pas retirés de la vie syndicale pour autant puisqu’ils sont présents aujourd’hui. Certaines et certains sont d’ailleurs toujours des membres actifs au niveau national ou en académie. Nous savons à quel point votre appui est précieux.

Merci à vous de m’avoir fait confiance et de m’avoir encouragée au fur et à mesure de mes différentes prises de responsabilités au sein d’Indépendance & Direction.

Tout ça pour vous dire que le syndicalisme comme beaucoup d’autres choses, cela s’acquiert, mais pas dans les livres. C’est un apprentissage auprès des collègues plus expérimentés.

Notre responsabilité c’est aussi de nous projeter vers l’avenir, c’est pourquoi je me tourne vers nos jeunes collègues, vous qui êtes peut-être entrés dans la fonction récemment, vous qui venez d’adhérer et assistez à votre premier congrès. Soyez convaincus que chacune et chacun peut prendre des responsabilités à partir du moment où il ou elle a envie de s’engager dans la défense individuelle des collègues et de servir une cause collective qui est celle de notre profession.

C’est dans cet esprit que le Bureau national que vous avez élu a été constitué puisque les nouveaux membres et ceux qui ont été reconduits se répartissent de manière équilibrée.

En nous rappelant d’où nous venons nous assurerons la suite, c’est pourquoi je souhaite inscrire le mandat que le Bureau National m’a confié dans l’histoire de notre syndicat et à ce titre rappeler les conditions de sa fondation.

Indépendance & Direction est créé pour manifester un désaccord avec le protocole de décembre 2001, et le décret portant sur le nouveau statut des Personnels de Direction.

Le désaccord porte essentiellement sur l’absence complète d’éléments relatifs aux conditions de travail. Mais l’objectif est avant tout de poser les lignes d’une autre forme de syndicalisme. Il s’agit de refuser des habitudes syndicales de cogestion et de proximité syndicalopolitique.

Il s’agit également de proposer à chaque collègue un syndicat proche de lui, l’accompagnant dans sa carrière et non un syndicat à la parole “descendante”, courroie de transmission de la parole ministérielle.

Ainsi, le 22 mars 2002 Indépendance & Direction voit le jour au congrès fondateur du PECQ.

Une génération s’est presque écoulée depuis. Et n’en déplaise à certains, non seulement nous sommes toujours là, mais nous avons confirmé notre position de deuxième syndicat des personnels de direction. Nous l’avons confirmée malgré la loi sur la représentativité syndicale visant à faire disparaître les petites organisations et qui nous amena à rejoindre la FNEC-FP-FO. Nous avons tenu bon malgré la loi de transformation de la fonction publique et la remise en cause du paritarisme visant à faire taire l’expression plurielle au profit du dialogue avec une organisation unique. Et si nous nous avons maintenu notre position depuis plus de 20 ans c’est parce qu’Indépendance & Direction incarne une voix ou voie, avec un x ou avec un e, les deux nous vont bien, singulière, celle d’un syndicalisme libre et indépendant de tous les groupes d’influence. C’est notre honneur de n’avoir qu’un seul discours, quel que soit notre interlocuteur. Ce que nous affirmons devant nos collègues en académies, ce que nous écrivons, c’est ce que nous disons aux recteurs, c’est ce que nous disons au ministre, quelle que soit sa couleur politique. Nos interlocuteurs le savent bien et c’est à ce titre aussi que nous sommes respectés.

Cette voix singulière, cette parole libre, cette parole courageuse est d’autant plus nécessaire dans un contexte de transformation à marche forcée de notre métier, sous couvert d’autonomie, mot qui dans la novlangue du Nouveau Management Public ne signifie rien d’autre qu’une nouvelle étape dans la remise en cause du caractère national de l’Éducation, qu’une nouvelle étape dans le transfert de charges et de responsabilités vers les chefs d’établissements et leurs adjoints.

Ne serions-nous pas progressistes parce que nous considérons que cette révolution permanente, cette instabilité structurelle, à grand renfort de méthodes agiles, ne sont pas de nature à améliorer la réussite des élèves et dégradent gravement nos conditions de travail ? Nous ne pouvons souscrire à ce tour de passe-passe sémantique car il ne faut pas confondre la nouveauté, le bouleversement et le progrès compris comme ce qui est porteur d’une amélioration de portée générale pour tous les acteurs du système scolaire.

Rappelons que l’article 1 de nos statuts stipule qu’un des buts d’Indépendance & Direction est : de promouvoir la qualité et l’efficacité du service public d’éducation et en particulier de ses établissements d’enseignement et de formation.

Aussi nous répétons depuis plusieurs années que les performances du système éducatif ne s’amélioreront pas sans un changement de gouvernance et une véritable prise en compte des cadres de terrain que nous sommes. Prise en compte de notre expertise quand nous pointons les difficultés de mise en œuvre de certaines politiques éducatives dans leur déclinaison opérationnelle en particulier, sans une prise en compte des propositions d’amélioration concrètes que nous faisons. Sans une prise en compte qui doit se traduire par une amélioration réelle de notre déroulé de carrière. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de l’augmentation indemnitaire accordée en 2021, non seulement parce que certains collègues en sont exclus, parce que les adjoints ont été moins revalorisés que les chefs, mais aussi parce que cela ne correspond pas à l’augmentation de la charge de travail et ne compense pas le pouvoir d’achat perdu par le gel du point d’indice pendant 10 ans. Que dire de l’augmentation minimaliste de 3.5% de ce même point d’indice en 2022 alors que l’inflation explose ! A quand le choc d’attractivité pour notre profession ? Puisque le président de la République s’est engagé à ce qu’aucun professeur ne débute sa carrière à moins de 2 000€ nets (primes comprises), aucun personnel de direction ne devrait en toute logique débuter sa carrière à moins de 3 000€ ! L’augmentation significative du salaire est en effet la priorité numéro un pour 85% des personnels de direction (données enquête iD de juin 2022).

Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’un déroulé de carrière peu lisible où l’accès la Hors Classe reste une échéance lointaine voire
inaccessible
pour beaucoup de personnels de direction qui n’ont pas démérité et qui sont mêmes jugés excellents.

L’arrêté du 13 décembre 2022 portant sur le taux de promotions des corps d’encadrement de l’Éducation nationale indique qu’ils passeront à 12,5% en 2023, 14% en 2024 et 15% en 2025.

Au vu de ces taux, force est de constater que nombre de collègues n’obtiendront, en effet, aucune promotion avant la fin de leur carrière quand, dans certaines académies, il faut plus de 17 ans en moyenne pour passer à la Hors Classe. Là encore on est loin du compte quand les taux de promotion des Inspecteurs qui, certes, stagneront pour les trois prochaines années, soit à 30%.

Sur le même sujet, comment pourrions-nous nous satisfaire des inégalités persistantes entre les hommes et les femmes personnels de direction pour l’accès aux promotions ainsi que le confirme le bilan des lignes directrices de gestion ministérielles relatives aux promotions et à la valorisation des parcours professionnels des personnels du ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, daté du 31-12-2021. Comment pourrions-nous nous satisfaire des modalités des opérations de mobilité dont l’opacité est devenue totale depuis que les prérogatives des CAP ont été réduites à la portion congrue.

Quant à la dernière avanie en date, les nouvelles modalités de notre évaluation, nous en avions pointé les travers dans tous les groupes de travail. Il faut croire que le ministère se rend compte qu’il y a un problème sérieux puisqu’il prévoit de remettre le dossier à l’étude dans les mois qui viennent. Indépendance & Direction apportera des propositions concrètes.

La lutte pour l’amélioration de nos conditions de travail constitue l’ADN de notre syndicat. Ce sujet central demeurera au cœur de notre action. Ces derniers temps, notre ministère parle beaucoup de la qua lité de la vie au travail. C’est une bonne chose, mais sur ce point nous devons être vigilants et bien nommer les choses car la problématique doit être obligatoirement abordée en termes d’organisation du travail. Pourquoi ? L’organisation du travail concerne les moyens humains, matériels. Elle est également une déclinaison de la gouvernance. C’est donc de l’organisation du travail que va dépendre la QVT et les RPS. Des séminaires de prévention des RPS où l’on apprend à gérer son stress, à pratiquer la méditation, le séminaire animé par les coachs sportifs comme cela a pu se faire dans une académie, même si cela peut avoir un certain intérêt, ce n’est pas ce dont nous avons besoin. Ce n’est pas cela qui aidera le, la collègue dont l’adjoint gestionnaire, CPE, infirmière n’est pas remplacé depuis des semaines (chacune et chacun peut compléter la liste), cela n’aidera pas le, la collègue submergé(e) par les aménagements d’examen, cela ne nous aidera pas tant que les EPLE resteront le déversoir de toutes les politiques publiques. Vous pouvez faire autant de stages de coaching que vous voulez, mettre des plantes vertes dans votre bureau, tant que l’organisation du travail ne changera pas les mêmes causes produiront les mêmes conséquences.

Si autant de collègues vont mal, se renseignent sur la rupture conventionnelle, ce n’est pas qu’ils ne savent pas s’organiser ou gérer leur stress. C’est tout simplement parce que l’organisation du travail est maltraitante. N’ayons pas peur des mots !

Quel avenir pour notre métier ? Quelle École républicaine pour demain ? Ces deux sujets qui ne peuvent être dissociés doivent être mis en perspective avec la volonté gouvernementale de développer l’autonomie des établissements. Que met-on derrière ce mot ? Ce que nous souhaiterions y voir, nous les cadres de terrain, c’est la possibilité d’avoir suffisamment de marge de manœuvre pour exercer vraiment notre pilotage pédagogique. Parce que le pilotage pédagogique constitue bien le cœur de notre métier et que c’est aussi pour cette raison que nous avons choisi d’évoluer vers ce métier. Mais où est l’autonomie quand nous subissons une surenchère ininterrompue d’objectifs tous azimuts, que nos établissements ne sont pas dotés en moyens humains et matériels définis en fonction des besoins et de l’évolution des missions ? De quelque niveau que vous gériez la pénurie, rien ne changera rien si les moyens humains et matériels n’augmentent pas corrélativement aux objectifs ambitieux affichés. Ce qui se prépare c’est avant tout un déplacement de la responsabilité des insuffisances du système sur les cadres de terrain, devenu mode de fonctionnement institutionnel.

Depuis plusieurs années nous avons vu s’immiscer dans notre pratique professionnelle des expressions, des pratiques et des méthodes largement inspirées par le monde de l’entreprise. De manière insidieuse nous sommes passés du temps des Pilotes à celui des Managers ! Certains nous rétorqueront qu’il ne s’agit que de sémantique… mais les mots ne sont jamais neutres.

Le personnel de direction de demain sera-t-il encore un pédagogue ou bien un manager ou bien un gestionnaire ?

Vous l’aurez compris, ces différents sujets seront déclinés dans les 4 thématiques des ateliers dans lesquels vous travaillerez dès aujourd’hui pour élaborer les résolutions qui constitueront la feuille de route d’Indépendance & Direction pour les 4 ans à venir.

De nombreux sujets d’actualité retiennent notre vigilance. Il ne s‘agit évidemment pas de tous les énumérer.

J’en citerai deux qui sont de nature à avoir un impact majeur sur notre métier, en termes de rémunération, de responsabilité et de conditions de travail :

  • La mise en œuvre du RIFSEEP, réforme indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions et de l’expertise, mis en lien avec le classement des établissements
  • La mise en œuvre du pacte enseignant

Indépendance & Direction les abordera avec pragmatisme, dans une posture constructive, mais déterminée.

Par ailleurs, nous allons poursuivre en nous appuyant sur la fédération la démarche engagée au CHSCT M devenu Formation Spécialisée pour voir inscrire à l’ordre du jour la question des conditions de travail des personnels de direction.

Nous avons été clairs avec le Ministère : Nous ne lâcherons rien car il s’agit d’une priorité.

Nous devrons dans le même temps continuer à agir pour que la charte de pilotage trouve une réelle application dans toutes les académies.

Concernant la stratégie de notre syndicat. Il convient de tenir compte de la reconfiguration entraînée par la réduction des prérogatives des CAP qui ont été en majeure partie vidées de leur sens. Nous devons réfléchir pour voir comment mieux nous appuyer sur des Comités Sociaux d’Administration Ministériel et Académique dans lesquels siège la plupart du temps la FNEC-FP-FO et en particulier sur la Formation Spécialisée. Aussi l’articulation avec la fédération doit-elle s’affiner pour rechercher une plus grande efficacité, ceci dans le respect total de la liberté d’Indépendance & Direction. Nous pouvons à présent nous appuyer sur une bonne connaissance mutuelle et des habitudes de travail en commun. Nous devrons travailler dans cet objectif aussi bien au niveau national, qu’au niveau académique. Nos commissaires paritaires continueront évidemment à jouer un rôle précieux dans l’accompagnement et le conseil des collègues.

Pour ce qui concerne le travail syndical en académie. Il est indispensable que chaque section académique puisse pleinement jouer son rôle revendicatif et être force de proposition en fonction des moyens humains dont elle dispose. C’est le travail de proximité et l’accompagnement au quotidien qui nous permet et nous permettra de progresser. Il faut être visibles partout dans les académies, prendre la parole systématiquement dans les réunions de recteurs, de DASEN, des collectivités. Faire connaître ensuite aux collègues l’action d’Indépendance & Direction par une communication adéquate.

La formation des cadres académiques, telle que nous l’avons commencée en septembre 2022, demande à être poursuivie et amplifiée.

Le pôle développement syndical sera chargé de sa mise en œuvre. Le Bureau National compte parmi ses membres plusieurs secrétaires académiques expérimentés. Nous pourrons nous appuyer sur eux pour transmettre leur expertise, leur savoir-faire.

Jeudi matin, le conseil national sera l’occasion de lancer un premier temps de formation.

Quant à la communication qui est un enjeu majeur, nous pourrons nous appuyer sur l’important travail réalisé lors de la mandature qui vient de s’achever. Ce travail sera poursuivi.

Avec les secrétaires généraux adjoint Amand, Julien, Patrick, Valérie, nos trésoriers Fabrice et David, le SN et l’ensemble du BN, notre seule ambition sera pour ces quatre années à venir qu’Indépendance & Direction continue à incarner un contre-pouvoir, un contre-pouvoir constructif, un contre-pouvoir intransigeant sur le respect de la laïcité.

Vive le syndicalisme libre et indépendant

Vive Indépendance & Direction.

Agnès ANDERSEN,
Secrétaire Générale

Vademecum 2023 – Entrée dans le métier