Le temps des actes ?


Dans un contexte de conditions de travail particulièrement dégradées, de dévalorisation du métier, la mise en œuvre calamiteuse du pacte, n’aura fait d’exacerber un peu plus le désarroi, la colère et la perte de sens de notre profession.

Si l’exaspération culminait comme jamais à la fin de l’année 2022-2023, il ne faut pas se méprendre sur l’interprétation qu’il faut en faire. Il s’agit désormais d’autre chose que de l’expression conjoncturelle de la fatigue accumulée au cours de l’année. En effet, on a ici affaire à un phénomène beaucoup plus profond et structurel que le simple « coup de gueule » ou « ras le bol ». Il est frappant de constater le nombre de plus en plus important de collègues qui disent « attendre la retraite avec impatience » d’autant plus pour celles et ceux qui « en ont pris pour deux ans de plus » celles et ceux qui «cherchent un alternative» parfois «quitte à redevenir prof» ou à envisager sérieusement une rupture conventionnelle. Qui ne connaît pas désormais un ou une collègue ayant dû s’arrêter pour burn out pendant une période plus au moins longue ?

Comme nous l’avons rappelé au Ministre lors de la Visio du 28 août, les personnels de direction sont des femmes et des hommes qui ont choisi un métier de pilote pédagogique, souvent par passion, sur la base de convictions fortes, celles de la réussite des élèves, de tous les élèves dans leur diversité, d’une volonté de servir l’école publique et sa vocation émancipatrice.

Mais ces femmes et ces hommes vivent comme une maltraitance la mise en œuvre à marche forcée des réformes, l’instabilité permanente, la méthode agile. Une organisation du travail maltraitante parce que même s’ils ne comptent ni leur temps, ni leur peine, les collègues ont trop souvent le sentiment de ne jamais arriver à bien faire le travail tout simplement parce que les objectifs ambitieux qui leur sont donnés et auxquels ils adhèrent restent inatteignables en raison du manque de moyens alloués.

Il faudra bien, comme le demande Indépendance et Direction, qu’une évaluation soit faite des méthodes managériales appliquées aux personnels de direction. L’impact de la mise en œuvre de l’action publique sur la santé et le bien-être des cadres ne saurait rester un angle mort de la politique RH de notre ministère.

Indépendance et Direction n’a eu de cesse l’alerter les ministères successifs s’adressant directement au Président de la République puisque celui-ci considère l’Éducation comme un de ses domaines réservés.

Depuis l’alerte sociale lancée fin 2018 l’état d’esprit de la profession a évolué au fur et à mesure que nos conditions de travail et notre pouvoir d’achat se dégradaient.

Parce que les chef(fe)s d’établissement et les chef(fe)s d’établissement adjoint(e)s sont à bout il ne sera plus possible pour l’institution de se contenter de toujours et uniquement compter sur leur loyauté pour faire passer les réformes. Pour qu’une politique publique porte ses fruits, l’adhésion des cadres qui sont chargés de la mettre en place doit être un objectif.

Cela implique de changer de méthode de gouvernance. C’est à ce prix que le lien sera maintenu avec le corps des personnels de direction.

Depuis 18 mois Indépendance et Direction revendiquait avec le soutien de sa fédération la FNEC-FP-FO que les conditions de travail des personnels de direction soient mises à l’ordre du jour du CHSCT M puis de la Formation Spécialisée en Santé, Sécurité et Conditions de travail (F3SCT), instance qui l’a remplacé. Notre organisation dut prendre l’initiative d’une mobilisation d’alerte devant le ministère en septembre 2022 suite au refus de ce dernier d’accéder à notre demande.

Après avoir mis un veto jusque-là, le ministère a fini par inscrire, en novembre 2023, les conditions de travail des personnels de direction à l’ordre du jour de la F3SCT, signe qu’il a bien perçu que l’heure était aux actes et plus seulement aux paroles.

Pour Indépendance et Direction les choses sont claires : Les propositions qui seront faites par le ministère devront être à la hauteur des attentes de la profession.

Agnès ANDERSEN,
Secrétaire Générale

iDées mag n°86