Déclaration liminaire au Blanchet du 27 mars 2024

Madame la Rectrice,

Une fois de plus, derrière de belles intentions mâtinées d’un vocable enjôleur se cache le Rubik’s cube de l’organisation de l’année dans les classes de 6ème et de 5ème.  Comment penser la mise en musique de l’alternance des regroupements en classes complètes et des groupes de niveau ? Quel professeur pour quelle classe ? Que faire des professeurs libérés ? Faut-il vraiment 4h30 x 10 semaines pour refaire des groupes ou faire le point ? Les élèves ont-ils besoin d’être constamment ballotés d’un groupe à une classe puis à autre groupe ? La coordination s’avérera complexe au vu des postes partagés, vous le savez.

Nous ne saurions condamner la lucidité dont le ministère (ou plutôt M. Attal) a fait enfin preuve en prenant acte de l’échec du « tout-hétérogène » que la belle idée de l’école inclusive n’a fait que malmener tant le nombre d’AESH manque et les places en établissements médico-sociaux sont devenues aussi rares qu’elles sont chères (merci, les ARS !). Nous ne nous joindrons pas au concert des louanges de la diversité heureuse car le quotidien, nous le vivons pleinement et PISA rappelle à chacun que le dogmatisme idéologique est le principal fossoyeur de l’éducation nationale.

Le monde des idées, c’est Platon. Le réel, c’est la salle de classe, avec ses élèves très nombreux porteurs de notifications MDPH, bénéficiant de PAI, de PAP ou de PPRE. A cela, ajoutez l’arrivée massive de jeunes dans nos UPE2A quand il y en a une, avec de plus en plus de NSA ou PSA pour lesquels l’alphabétisation en collège pose problème faute parfois de ressources compétentes.

Que serait une réforme du collège qui saurait prendre en compte la diversité des publics accueillis ? Peut-être un collège qui tiendrait compte de toutes les formes d’intelligence sans accorder un primat élitiste au verbo-linguistique et au logico-mathématique. Une école où l’on manipule, on bricole, on construit, bref, où la dimension manuelle serait véritablement mise en œuvre. Bien sûr, cela nécessiterait d’ouvrir des ateliers ce qui n’est pas neutre financièrement mais c’est un choix de société sans doute plus porteur que la fabrication de l’échec que tous s’emploient à juguler avec le maximum de conviction au prix de l’épuisement.

Là aussi, dois-je me répéter, le temps éducatif est un temps long qui requiert une évaluation des politiques conduites, des réformes menées avant de passer à une autre. Or le management du changement permanent est devenu la règle, entrainant des résistances toujours plus nombreuses et exposant les personnels de direction sommés de changer de discours tous les 4 matins au risque de perdre en crédibilité.

Madame la Rectrice, avec la perte d’autonomie dans la gestion des marges de manœuvre pour permettre aux EDT de tenir dans une grille horaire contrainte, il sera difficile de financer des dispositifs maison innovants et de répondre au cahier des charges des évaluations des établissements. Manque de professeurs titulaires formés, manque d’AESH, manque de personnel médico-social et j’en passe…comment faire mieux avec moins ? Celui qui trouvera la recette décrochera à coup sûr une étoile au « Guide Michelin de la rue de Grenelle ».

                                                                                   Arnaud MAREY, secrétaire académique ID