Une année charnière pour les personnels de direction

Les établissements et les équipes de direction ont maintenant repris le travail depuis plusieurs semaines pour aborder cette nouvelle année scolaire. Celle qui s’est achevée aura malgré tout laissé des traces. De mémoire de personnel de direction, l’année scolaire 2018-2019 a été vécue comme l’une des plus dures de ces quinze dernières années. Dans certains établissements, les tensions ont été si vives aux abords comme à l’interne, que les blessures prendront du temps à se refermer. Sont-elles d’ailleurs toutes guéries ? Chacun est dans l’observation des évènements quotidiens pour veiller à ne pas raviver les braises dont on se doute qu’elles seraient promptes à brûler à la moindre occasion du côté des enseignants comme de celui des élèves notamment.

Dans certains établissements, d’ailleurs, les feux ne sont pas éteints. Il ne s’agit pas d’une généralité mais de situations sporadiques d’enseignants qui poursuivent la mobilisation de l’année scolaire dernière et ne souhaitent pas en rester là cette année. Nous verrons l’évolution de ces situations et Indépendance et Direction assure d’ores et déjà de son soutien les collègues qui seraient concernés par ces mobilisations.

Nous avons dit à plusieurs reprises au ministre combien l’année a été difficile et que nous ne saurions revivre des évènements tels que nous les avons connus l’an passé. Nous lui avons également demandé d’ouvrir des négociations pour revisiter notre statut. En effet, quel rapport y a-t-il entre le personnel de direction de 2001 et celui de 2019 ? Bien sûr il y a des constantes et un certain nombre de fondamentaux rythment depuis toujours la vie de nos établissements : élaboration des services des enseignants, élaboration des EDT, éditions des états de service, répartition de la DHG par exemple. Mais dans les contenus, chacun voit bien que cela n’a plus rien à voir avec les opérations de jadis. Les répartitions de DHG en collège comme en lycée sont bien plus complexes qu’il y a 10 ans. Que dire de l’élaboration des emplois du temps, là aussi en collège comme en lycée ? Le nombre de cours complexes liés à la présence de groupes a explosé ces dernières années atteignant cette année un paroxysme lié à la réforme du lycée. Cela a d’ailleurs fortement impacté le travail des adjoints qui ont eu à élaborer en lycée les emplois du temps avec les combinatoires de spécialités demandées. Pour la plupart d’entre eux la déconnexion estivale a été réduite, parfois même à peau de chagrin. On pourrait continuer ainsi une liste à la Prévert fastidieuse qui démontrerait de façon évidente combien les opérations de gestion sont devenues complexes et de façon corollaire de plus en plus chronophage.

Par surcroît, depuis quelques années, sont apparues des nouveautés qui, l’une après l’autre ont singulièrement complexifié nos missions et surtout, les ont alourdies de façon considérable. Leur intérêt, sur le principe, peut parfois d’ailleurs être réel. Prenons trois exemples et commençons par le cas des entretiens professionnels des enseignants. Indépendance et Direction considère comme un progrès qualitatif certain le principe de la transformation de la notation administrative en entretien d’évaluation dans lequel, outre une visite en classe, les personnels de direction rencontrent leurs enseignants et peuvent réellement se saisir de sujets pédagogiques et didactiques. Sauf que ces opérations sont extrêmement chronophages. Si l’on veut bien faire, il faut compter le temps de la visite en classe accompagné de l’inspecteur, puis un temps de préparation de l’entretien, puis mener ce dernier sur une heure, puis élaborer et rédiger le compte rendu d’entretien et enfin se concerter avec l’inspecteur sur la partie évaluative commune. Pour chaque enseignant cela représente une opération qui dépasse deux heures qu’il faut multiplier par le nombre de professeurs à voir dans l’année. De plus l’application n’est pas accessible aux adjoints et le cadre réglementaire les concernant n’est pas suffisamment sécurisé à notre sens. La délégation aux adjoints, qui pourtant seraient pleinement légitimes sur ces opérations reste donc marginale, et les chefs d’établissement se retrouvent donc avec des agendas davantage surchargés encore qu’avant. Continuons avec l’orientation au travers de la procédure ParcourSup. Là aussi il est difficile de contester que les différentes opérations mises en œuvre ont apporté un certain progrès qualitatif…. mais ont également considérablement majoré le temps passé à la fois en conseil de classe, et surtout, lors autres opérations de gestion ultérieures comme les appréciations qu’il faut décliner de façon différente en fonction des demandes. Cet alourdissement insupportable fait rajouter au bas mot une heure de travail par classe de terminale après chaque conseil, ce qui commence à faire beaucoup, et même trop. Bien sûr, l’orientation doit rester de la compétence des personnels de direction, mais n’y avait-il pas moyen d’éviter une « usine à gaz » qui alourdit considérablement nos tâches ?

Terminons pour ces exemples sur la mise en place des PIAL. Là aussi, Indépendance et Direction souscrit à la volonté d’améliorer la prise en charge des enfants atteints de handicap. Le principe n’est donc pas remis en cause. Mais les établissements qui sont têtes de réseau notamment et surtout leurs équipes de direction, découvrent l’ampleur des missions supplémentaires qui y sont associées, notamment en matière de GRH ainsi qu’en termes de responsabilité. Lorsque nous avons évoqué cet exemple devant le ministre, il a comparé un établissement tête de réseau à un établissement support de GRETA en termes d’extension des missions des personnels de direction. Toutes choses égales par ailleurs, la comparaison revêtait une certaine pertinence notamment dans le domaine financier, puisqu’une rémunération spécifique est attachée au statut de chef d’établissement support de GRETA.

Mais à travers ces trois exemples qui ne sont qu’une partie des nouvelles missions qui nous incombent, on voit bien qu’une forte distorsion apparaît : oui, notre temps de travail a fortement augmenté ces dernières années, oui le champ de notre responsabilité s’est considérablement accru, oui nous intervenons sur des champs professionnels qui ne nous concernaient guère auparavant, mais non, aucune de nos anciennes tâches ne nous a été retirée pour nous permettre de sereinement prendre en charge les nouvelles, et non notre rémunération n’a pas évolué dans les justes proportions que ces modifications profondes auraient pourtant bien justifiées. Nous en avons tous déduit dans quelle considération nous étions tenus…

Bien sûr, des négociations antérieures ont apporté quelques évolutions dans le cadre des négociations PPCR, bien sûr les débuts de carrière ont été un peu valorisés, bien sûr nous pouvons maintenant accéder à l’échelle B (mais quelle proportion d’entre nous en réalité en bénéficiera ?).

Cela a-t-il pour autant amélioré sensiblement les conditions de travail de l’ensemble de notre profession? Chacun pourra voir au quotidien qu’il n’en est rien. Cela a-t-il empêché qu’à l’hiver dernier la DGRH annonce en CAPN qu’une réduction drastique était imposée sur le nombre de promus en hors classe pour l’année 2019, entraînant une réaction unanime des commissaires paritaires qui ont quitté la salle en signe de refus de cautionner cette décision brutale et unilatérale ? Seule cette action forte a permis de faire revenir le ministère en arrière. Voilà bien ce qui provoque le malaise et le mécontentement de notre profession. Et l’accélération des réformes ces dernières années n’a fait qu’amplifier le phénomène au point que son paroxysme a été atteint avec l’année scolaire dernière. Indépendance et Direction, toujours proche du terrain, avait déjà lancé une alerte sociale sur nos conditions de travail en début d’année scolaire dernière et saisi le CHSCTM.

Indépendance et Direction a décidé d’aller plus loin à la fin de cette même année 2018-2019 en sollicitant directement le ministre pour réclamer une refonte de notre statut qui date de presque vingt ans. Nous lui avons dit que le personnel de direction de 2020 n’est plus celui de 2001. Il faut donc revisiter notre métier de façon systémique : nos missions et les tâches associées, les rémunérations qui y sont attachées, et la considération que nos fonctions complexes et essentielles dans le système éducatif méritent.

Le ministre a saisi la proposition, et a annoncé au GNPD (groupe national des personnels de direction) du 23 août dernier la mise en place prochaine de négociations allant dans ce sens. Cette déclaration vient d’être confortée par la lettre que M. Kerrero, directeur de cabinet vient d’adresser à Indépendance et Direction de la part du Ministre.

L’intention correspond donc à la demande que nous avons seuls formulée, il reste maintenant à voir comment elle va être concrétisée. Indépendance et Direction sera donc, non seulement au cœur des négociations et dans le dialogue, mais également dans sa posture habituelle de vigilance. Comme depuis 2001, nous saurons dire ce qui convient à notre profession, mais aussi ce qui ne convient pas et faire les contrepropositions nécessaires en ce cas, voire d’aller plus loin si nous ne sommes pas entendus.

Nous attendons maintenant, en cette année charnière, l’ouverture de ces négociations dont l’avenir nous dira la portée, et que les personnels de direction attendent.