Déclaration liminaire au Blanchet du 5 juin 2024

Madame la Rectrice,
Pour cette dernière déclaration de l’année scolaire, nous nous réjouissons de constater
que nous bénéficierons de 6 semaines de vacances supplémentaires à la rentrée 2024
puisque désormais, 1 HSA vaudra 30 HSE, soit 30 semaines (au lieu de 36). Nous
aurions dû y penser : faire des économies peut passer par ce tour de passe-passe.
Une introduction en forme de boutade Madame la Rectrice alors que rien en cette fin
d’année ne nous invite à la plaisanterie.
Nous voici début juin et nous n’avons toujours pas reçu nos enveloppes PACTE et HSE
pourtant nécessairse afin d’anticiper les actions à conduire dans nos établissements.
Nous avons eu cependant connaissance des derniers éléments données en réunion
multilatérale du 28 mai s’agissant du Pacte dont le nombre devrait être doublé à la
rentrée. Cela nous interroge, l’investissement des enseignants au sein des
établissements est sans arrêt monnayé et chacune de leurs actions hors élèves étant
désormais rémunérée à la pièce, ces derniers ne consentent à s’engager qu’à la
condition d’une rémunération. Par cette politique, le Ministère contribue à renforcer
ainsi l’idée que l’enseignant ne doit que son ORS alors que son référentiel évoque bien
d’autres temps. Cette conception tayloriste de la rémunération au rendement, dont les
méfaits sont largement décrits par la recherche en sciences de gestion, tend à dévoyer
le métier d’enseignant et à nous transformer en contremaître vérifiant la réalisation
des actions.
Madame la Rectrice, nous pourrions continuer cette déclaration liminaire en évoquant
longuement tous les dysfonctionnements, décisions unilatérales prises sans
concertation, injonctions contradictoires qui impactent nos missions. Op@le ou l’outil
inadapté, les stages de 2nde lubie impréparée, webinaires en rafale, nouvelles modalités
d’informations sur les affectations/ inscriptions en seconde qui mettent en difficulté
les familles les plus fragiles, le choc des savoirs dont les groupes de besoins ne cessent
de changer de définition, JUMO, l’organisation des examens. A chaque fois nous
entendons les principes louables qui sous-tendent les injonctions, pour autant, les
décisions sont prises sans concertation alors que nous sommes en première ligne et
que nous les subissons
Tout ceci génère souffrance, arrêts de travail, demandes de mutation avec un corollaire
devenu routinier : absence de remplacement voire de nomination sur des postes
désespérément vacants. Cela rejaillit bien évidemment sur le quotidien de bon nombre
de personnels de direction. Comme vous l’avez évoqué dans une précédente réunion,
près d’un personnel de direction sur 5 est en arrêt dans l’académie. Chiffre
impressionnant auquel on pourrait ajouter tous les collègues à bout et qui ne tiennent
que par conscience professionnelle et pour ne pas mettre davantage en difficulté leur
établissement. Mal-être dont nous avons le sentiment qu’il n’émeut que nous : doit-on
continuer à confondre dévouement et exploitation ?
En conclusion, ces pratiques managériales témoignent d’une dérive tayloriste et d’un
management bureaucratique du MEN. A force de déshumaniser la profession, de
monnayer les actions, nous créons du désengagement. Permettez-moi d’évoquer les
propos de Pierre Yves Gomez dans la préface de “Management humain” de Taskin et
Dietrich. Il évoque la souffrance des manageurs intermédiaires en grande partie liée à
la perte de sens. Le management humain dit-il est non seulement une obligation
morale, mais il est une nécessité puisqu’il s’agit de guider, diriger des êtres vivants
libres d’agir. Il cite Tocqueville commentant l’impact du système esclavagiste
américain au XVIIIe siècle sur les performances économiques des exploitations
agricoles : ‘‘la servitude si cruelle à l’esclave était funeste au maître’’. Pardonnez-moi
cette comparaison radicale, mais elle a le mérite d’exprimer que ce nous sommes
nombreux à ressentir à tous les niveaux : ce ‘‘management inhumain que nous
dénonçons est si calculateur, mécanique qu’il oublie ou détruit l’homme’’. Nous
demandons un management humain pas un management avec un supplément
d’humanisme, mais un management qui nous reconnaisse comme des êtres vivants,
qui nous fasse confiance, qui s’appuie sur notre savoir-faire, notre expertise ‘‘de la vraie
vie des établissements’’.
Madame la Rectrice, nous vous remercions de votre attention.
Sandra MERIAUDEAU,
secrétaire départementale ID
Ardèche
Arnaud MAREY
Secrétaire académique ID