QUEL RECRUTEMENT POUR QUEL MÉTIER ?

Consécutivement aux échanges du GNPD de janvier 2018 par le biais de la DGRH, le ministère a installé en mars le groupe de travail sur les modalités de recrutement des personnels de direction qui doit aboutir au recrutement de la première promotion en 2020.

Il y a urgence !

En effet le préalable à ces modalités de recrutement consiste à obtenir une réponse à la question posée par le ministère et les organisations syndicales : quel recrutement pour quel métier ?

Sauf que la réponse à cette question suppose que la réorganisation territoriale de l’éducation nationale soit préalablement définie et par conséquence les modalités de gouvernance et de pilotage précisées.

La situation est grave. L’affaire Gallieni de Toulouse a été le révélateur d’un dysfonctionnement à tous les niveaux de la chaîne managériale. Or des situations de cette nature à des degrés divers existent dans toutes les académies, développant un profond sentiment de malaise entre les personnels de direction et leur hiérarchie. La confiance prônée par le Ministre est sérieusement entachée.

Les personnels de direction sont prisonniers de leur loyauté à l’école de la République d’une part et de leur sens du devoir d’autre part. Cela consiste à être responsable voire coupable dans toutes les situations. Ils contribuent, à leur détriment, à défendre l’image d’une éducation nationale qui fonctionne. Dans le cas contraire, la hiérarchie leur signifie immédiatement que tel ou tel se plaint où exige une réponse adaptée à ses demandes, même si le système, lui, est incapable d’apporter une solution. Tout bascule dès lors que la presse, les parents ou les professeurs s’emparent du dossier. Là, la solitude et la fonction de fusible prennent tout leur sens. Surtout quand, de plus, la représentation syndicale reste tiède en confondant la somme des intérêts.

Si la question du recrutement des personnels de direction est posée, la question du recrutement et du profil des DASEN, DAASEN, et IA-IPR se posent de façon urgente et cruciale, notamment dans la perspective de la nouvelle organisation territoriale.

Le directeur de cabinet du Ministre en GNPD a lui-même avoué que les modalités de gestion des personnels de direction étaient iniques. Le rôle et la place de la lettre de mission et du CREP dans le cadre des promotions et des mutations en interpellent plus d’un. L’organisation du système tout entier ne permet plus une GRH humaine et professionnelle , du PPCR qui ne permet pas plus de 455 promotions à la Hors Classe (pour 280 promotions à l’échelon spécial , trouvez l’erreur…) au CREP qui ne parvient plus à conserver une cohérence dans la distribution des 15% d’ « excellent » en rétrogradant des collègues pour mieux les redistribuer…

Que dire du management par injonctions dont le dernier épisode s’appelle « stages de réussite des 3éme pendant les vacances de printemps et d’été » qui ont permis différentes modalités d’expression des DASEN pour proposer une mise en place, allant de la prise de conscience par les intéressés de la difficulté due au calendrier à l’exécution immédiate et sans conditions! Le tout sans aucune information préalable, mais simplement parce que la DGESCO diffuse une note le 23 Mars…

Ce management descendant est devenu insupportable, le dialogue de gestion se résume à faire toujours plus avec toujours moins. Il atteint un seuil de rupture de par le manque de considération et fait fi des difficultés rencontrées. La mise en place de la réforme du collège en 2016 au forceps résonne et raisonne encore à nos oreilles. L’inadaptation des procédures d’orientation (Affelnet et ParcourSup) nous impose une gestion des dommages collatéraux auprès des familles, des élèves et des enseignants mais nous hisse aussi au rang de responsable de la lutte contre le décrochage. La mise en place de l’interdiction des portables à la rentrée 2018 semble à peu prés aussi précise que la gestion des fumeurs devant les lycées et l’incapacité à faire cohabiter la loi Evin et les mesures « attentats –intrusion ». La liste est longue… Chaque dossier est abordé comme s’il était unique et le manque d’analyse conduit à ne pas avoir une perception consolider de l’ensemble des difficultés. Une réponse doit être apportée à chaque situation. Le cumul est il réalisable dans le cadre des 44h hebdomadaires ? Là n’est pas la question puisqu’un grand nombre de personnels de direction travaille bien au-delà et solde la semaine par du travail le week-end si besoin. Un syndicat a bâti son fonctionnement sur le principe de la cogestion, principe favorable à certains mais pas au plus grand nombre. Sauf que la hiérarchie s’est installée dans ce confort qui impose que pour bénéficier d’une « bienveillance » il faut répondre sans mot dire à toutes les exigences, altérant ainsi tout discernement.

Le métier de personnel de direction doit intégrer de façon exponentielle le rôle et la place des collectivités territoriales dans le fonctionnement des EPLE. Ces missions ne sont que trop peu prises en compte dans les lettres de mission. La charge de travail que cela représente est sous-évaluée, voire ignorée de notre hiérarchie. L’alourdissement des agendas montre bien que tous les services et les acteurs font supporter aux personnels de direction le fait de devoir être disponible en permanence, la mise en place du PPCR enseignant et les rendez vous de carrières en étant un des derniers exemples, sans oublier la superposition des actes administratifs.

La perspective des nouvelles modalités de recrutement et de la nouvelle organisation territoriale pose une autre question de fond. Comment rendre attractif un concours de personnel de direction qui suppose de devenir chef d’établissement dans un délai acceptable (sauf choix personnel tout à fait respectable), dans une organisation qui va combiner la diminution du nombre de postes de chef d’établissement avec la généralisation des LPO et des cités scolaires d’une part , et la volonté d’établir un maillage du territoire basé sur le principe de la mise en réseau des établissements d’autre part ? Le solde du nombre de postes de chef sera négatif, donc la durée dans la fonction d’adjoint augmentera encore. Il vaut mieux le savoir avant de présenter le concours!

Les élections professionnelles qui s’annoncent pour décembre 2018 raisonnent ici et maintenant. Les choix seront déterminants car, avec les différents textes adoptés, le volume de la représentation syndicale sera fortement modifié. Suivant les académies, il n’y aura plus que 4 ou 3 voire 2 commissaires paritaires au lieu de 6 actuellement pour siéger en CAPA. Au niveau national nous passerons de 11 à 7 commissaires paritaires en CAPN. La question de la pluralité syndicale devient l’enjeu majeur de ces élections, dans le contexte ici développé.

iD démontre au quotidien qu’il y a une autre approche du métier de personnel de direction, basé sur la négociation des conditions de travail, sur la réaffirmation du statut de la fonction publique d’Etat et du principe du partenariat avec la collectivité territoriale qui précise nos missions et le cadre de leur exécution.

iD engage son action pour que soit redéfini un véritable statut des personnels de direction dans l’organigramme de l’éducation nationale en regard de la hiérarchie et en cohérence avec les corps d’inspection. Les conseils d’administration doivent redevenir de véritables instances de pilotage des EPLE. Et ceux-ci doivent signer des conventions de partenariat avec les collectivités territoriales et les branches professionnelles pour conduire la politique définie en CA, et contractualisée avec le seul Rectorat pour les objectifs propres à chaque établissement.

iD réaffirme enfin que la revalorisation par une augmentation indiciaire de tous les personnels de direction – alors qu’une nouvelle période de gel est annoncée – sera la réelle réponse à une reconnaissance de notre métier.

Philippe DONATIEN
Secrétaire Général